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17 octobre 2017

Yannick Haenel : "Tiens ferme ta couronne"

Yannick HAENEL : "Tiens ferme ta couronne"

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On continue avec les livres de la rentrée littéraire 2017, et plus particulièrement avec les élus de la sélection Goncourt.

Difficile de se forger une opinion à la lecture de ce roman. L'idée de départ est celle d'un écrivain qui vient de rédiger un scénario sur la vie d'Herman Melville et qui cherche à le faire produire. Une oeuvre magistrale. Et on suit les tribulations farfelues de cet alcoolique, qui reste des journées entières vautré sur son divan lit à regarder des films de Cimino ou Coppola en buvant force vodka. Ça part comme un roman de John Irving et on est emporté.

Mais rapidement tout s'embrouille. Le texte prend la forme d'une mosaïque, des morceaux viennent se coller les uns aux autres, le dalmatien du voisin, une concierge, un maître d'hôtel, Isabelle Huppert, une Diane chasseresse ... et l'ivresse, la folie ... sans qu'on arrive à bien en comprendre le sens. Du cinéma (et notamment "Les portes du Paradis" qu'il faudra revoir) on glisse dans la mythologie, comme on passe d'Ellis Island à la course poursuite effrénée et nus dans le musée de la Chasse.

Yannick Haenel maîtrise sa narration et le style est recherché, travaillé, mais c'est le tout qui m'a heurté, qui m'a échappé. Comme le sens caché de "Moby Dick" ou de "Voyage au bout de l'enfer" qu'il faut trouver et qui, seul, donne la clé de l'oeuvre. Dommage. Je reste avec cette tiédeur sans avoir été emballé.

 

 

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26 octobre 2017

François-Henri Désérable : "Un certain M. Piekielny"

François-Henri DESERABLE : "Un certain M. Piekielny"

 

Un-certain-monsieur-Piekielny

Au chapitre VII de "La promesse de l'aube" Romain Gary indique que lorsqu'il vivait à Vilnius avec sa mère, habitait dans le même immeuble qu'eux un certain Monsieur Piekielny. On est là entre les années 1921 et 1925. Romain ne s'appelle encore Romain, mais il fait la promesse de dire aux grands de ce monde que "au numéro 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilmo, habitait M. Piekielny".

Partant d'une phrase, le narrateur-auteur-enquêteur, part à la recherche de ce mystérieux M. Piekielny.

Ce roman est le prétexte à courir trois lièvres tous aussi passionnants les uns que les autres. D'abord il y a la vie de Gary, l'homme au destin extraordinaire, écrivain, aviateur, ambassadeur, grand mystificateur ... Ensuite il y a, à travers Piekielny, la vie et le sort de tous les juifs de Lituanie dans la période allant de 1921 à 1941 et au-delà. Enfin, il y a la littérature, les personnages, et le rapport qu'ils entretiennent  avec la réalité.

Mené de main de maître, le récit est structuré en trois parties, et 147 chapitres, dont certains de quelques mots seulement. C'est vivant, c'est souvent drôle, c'est fouillé et de surcroît fort bien écrit. Tous les faits se croisent, s'interpellent, s'entrechoquent entre la vie réelle de Gary, ses rencontres, son travail d'écrivain, et l'enquête qui nous mène à la fois sur le terrain et dans l'analyse exégétique des écrits et des sources du romancier.

C'est un voyage dans la littérature qui nous est proposé, un voyage rempli de réflexions sur le mensonge, la vérité, la fiction, le témoignage. Comme si, à travers M.Piekielny, comme à travers la contre-enquête de Kamel Daoud, le personnage de roman détenait une part de la vérité de l'existence humaine et nous la révélait.

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(statue de Romain Gary enfant, devant son domicile à Vilnius)

 

 

 

 

 

4 novembre 2017

Brigitte Giraud : "Un loup pour l'homme"

Brigitte GIRAUD : "Un loup pour l'homme"

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Autour d'Antoine, jeune appelé, infirmier vite formé et envoyé en Algérie dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre en 1960, tournent deux autres personnages. Lila, sa femme, vite épousée et qui attend un enfant, et Oscar, un soldat blessé, amputé, tiraillé.

Dans une Algérie peinte sans folklore et avec un regard aiguisé, l'auteure nous invite à rejoindre la troupe. On entre dans les baraquements, on dîne à l'odinaire, on va au rapport et on participe aux opérations, on guette les insurgés, on a peur, on panse les blessés. Mais pas seulement, on partage aussi la vie de tous les jours, celle des habitants, la vie simple des gens, des européens et des algériens.

A travers les trois personnages et leurs relations, c'est aussi l'amour dans ces temps agités qui est relaté. L'amour d'Antoine pour Lila perturbé par l'irruption d'Oscar dans sa vie. La relation entre les deux hommes se tisse lentement, patiemment, comme une source de rémission qui distille peu à peu sa prophylaxie. Dans cette ambiance de plus en plus lourde, de plus en plus incertaine, c'est un point d'accroche, une main tendue, une nécessité.

Sans jamais céder sur le fond, Brigitte Giraud nous dépeint une Algérie prise dans ses contradictions qui la conduiront à la déchirure brutale de 1962.Et comme c'est à travers le regard de jeunes appelés du contingent, des jeunes qui rêvaient de jeunes filles, de danse et de musique et d'insouciance, c'est avec une certaine neutralité que l'on comprend bien qu'il n'y a pas un camp du bien et un camp du mal. Et finalement c'est un berger du djébel qui nous l'apprendra.

 

Merci aux éditions Flamarrion pour ce roman lu dans le cadre des MRL17 de PriceMinister.

27 novembre 2017

Alice Zeniter : "L'art de perdre"

Alice ZENITER : "L'art de perdre"

 

L'art de perdre

Tout récemment couronnée du Goncourt des Lycéens, cette saga familiale s'étend sur trois générations de part et d'autre de la Méditerranée. Ali, Hamid et Naïma forment la colonne vertébrale de cette famille qui représente tout ce que la France et l'Algérie ont vécu de la fin des années 20 à nos jours. C'est l'histoire d'un destin commun, certes, mais qui n'a rien d'uniforme, ni d'unique. Quelle que soit la génération les relations sont faites d'ambigüités, de difficultés de compréhension et d'interprétations.

Quand Ali, exploitant d'oliveraie et producteur d'huile, s'engage dans l'armée française au moment de la campagne d'Italie en 1943 il ne se doute pas qu'il va façonner le futur de sa famille sur plusieurs générations, qu'il va perturber la construction de l'identité de chacun de ses enfants et petits-enfants. Engagé dans un harka il devient harki.

Alice Zeniter dissèque la vie quotidienne de ces hommes et femmes ballotés dans l'espace (entre Palestro, Rivesaltes, Flers et Paris) et dans leur identité (algérienne, française, musulmane, athée, immigrée) et nous conte l'histoire récente de notre propre pays entre liens du sang et liens du sol. Une histoire portée par des personnages profonds et attachants, avec leurs faiblesses et leurs incertitudes.

Très bien écrit, agréable à lire et très évocateur, le récit nous apporte un éclairage particulier sur la société franco-algérienne actuelle, sur le questionnement des jeunes générations, sur les difficultés de l'intégration, sur le retour du fait religieux. Il pose également bien la question universelle de la construction de l'identité, de notre lien au sol de nos ancêtres, à ce qui nous rattache, ou pas, à un territoire, à une histoire.

 

Rivesaltes-7-harkis-

(Harkis au camp de Rivesaltes)

 

 

 

 

16 janvier 2018

Joyce Carol Oates : "Bellefleur"

Joyce Carol OATES : "Bellefleur"

 

Bellefleur

Le manoir des Bellefleur, c'est cette demeure familiale qui abrite depuis des générations la famille Bellefleur. La famille qui règne sur ce territoire et qui va traverser le temps, entre fortunes et infortunes, malgré la malédiction qui pèse sur elle.

Établie depuis la fin du XVIIIème siècle dans le territoire du Nord de l'Etat de New-York, au moment où il faut rejeter les anglais et marquer la frontière avec le Canada, sur ce territoire peuplé de tribus indiennes qu'il conviendra également de repousser. Jean-Pierre achètera à bas prix des milliers d'hectares de bois, de marais ... des colonies s'installent, des familles prospèrent, des jalousies naissent.

Aidée par un arbre généalogique placée au début du livre, le lecteur suit le récit de la vie de chacun des membres de cette longue lignée. On est baigné dans cette ambiance si particulière des environs, par le manoir lui-même, par une nature à la féerique et terrifiante, par des ambitions personnelles, par le souci de préserver la famille, par la vengeance qui sous tend le fil du temps.

Joyce Carol Oates ne nous livre pas un récit chronologique. Chaque chapitre nous éclaire sur un aspect, une personne, un moment, un lieu, un lien particulier. Et de façon extrêmement approfondie, creusée, ouvragée, méticuleusement et rigoureusement racontée, l'histoire se met en place. On remonte peu à peu aux origines. Maniant avec brio le mystère voire tangentiellement le fantastique, l'auteure se livre à une dissection précise à la fois des comportements humains (et dans cette famille il y a de la variété entre un tueur en série, un ermite, un scientifique de renom ...) et de l'histoire violente de la construction des États-Unis (guerre d 'indépendance, asservissement des indiens, esclavage et guerre de sécession, guerres mondiales ...).

Lecture exigeante (et l'auteure se plaît à essayer de nous perdre en indiquant rarement des repères temporels, mais aussi par l'utilisation de prénoms qui se retrouvent dans les différents générations) mais captivante pour ce pavé de près de 900 pages dont l'ambiance est souvent violente, malsaine, noire ... comme si la malédiction qui a frappé la première génération se transmettait par les gènes pour aboutir dans une apothéose apocalyptique.

Un très grand roman qui donne envie de continuer le cycle "gothique" de l'auteure ( La légende de Bloodsmore, Les mystères de Winterthurn, Mon coeur mis à nu).

 

 

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28 septembre 2016

Natacha Appanah : "Tropique de la violence"

Natacha APPANAH : "Tropique de la violence"

Tropique

Attiré par ce livre non seulement parce qu'il figure sur la liste du Goncourt mais aussi après avoir vu l'auteure lors de l'émission de télévision "La grande librairie", et bien voilà une petite claque littéraire.

Mayotte, un territoire oublié de la République ? Sous les tropiques tout n'est pas que mer, ciel et soleil. Déjà avec Gisèle Pineau on le savait pour ce qui concerne la Guadeloupe par exemple, mais ici on est carrément en terre inconnue. Dans l'océan indien, Mayotte un havre d'espérances pour des milliers et des milliers de comoriens, malgaches et africains, qui accostent clandestinement en France. Et ces filles-mères, ces bandes de jeunes garçons qui se retrouvent sans familles, sans repères, livrés à la nature sauvage et cruelle des bandes, de la drogue et de la rapine.

Et puis quelques blancs, des muzungus, qui travaillent ici, comme Marie, cette infirmière dévouée qui côtoie cette violence. Marie qui recueillera cet enfant, Moïse, et lui donnera amour et éducation. Mais cela suffit-il à forger une identité ? Un oeil marron et un oeil vert, une peau noire et une âme blanche.

Et puis un policier ou un éducateur. Mais que peuvent-ils dans cet engrenage de violence quotidienne ?

Natacha Appanah maîtrise le sujet, la forme et la lettre. C'est vif, c'est cruel. C'est un choc ! Bravo !

11 novembre 2014

Sophie Brocas : "Le cercle des femmes"

Sophie BROCAS : "Le cercle des femmes"

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Un univers de femmes, quatre générations, et un secret "originel" qui va se dévoiler et expliquer bien des choses. Comme si les évènements tus par une génération influençaient malgré eux le comportement des générations suivantes. Comme un héritage qui va transcender les générations.

A la mort de l'arrière grand-mère, la fille, la petite fille et l'arrière petite fille découvrent dans des papiers soigneusement dissimulés dans la maison de la défunte, des documents qui révèleront un fait passé inconnu d'elles. Cette découverte va les bouleverser, et chacune va réagir en fonction de son histoire personnelle. Lia, l'arrière petite fille, s'acharnera à démêler les fils de l'histoire familiale et découvrira peu à peu d'autres morceaux cachés, des bribes de vérité qu'elle recollera. Peu à peu on suit l'évolution de sa pensée construite à partir d'interrogations fondamentales.

A l'aune de sa propre vie, Lia se pose des questions sur l'amour véritable.  Comment définir l'amour dans la durée, quelle est la différence entre passion et amour, que signifie la fidélité dans le couple confrontée à la liberté de chacun, l'amour a t-il un lien avec l'éducation des enfants ?

Bien écrit et dans un langage simple, le roman file rapidement, chaque partie nous ouvrant plus particulièrement sur un personnage. Sans être un chef d'oeuvre  et partant d'un sujet mille fois utilisé dans la littérature contemporaine, ce premier roman nous laisse percevoir des qualités littéraires certaines chez Sophie Brocas même si en lui même "Le cercle des femmes" ne laissera pas un souvenir impérissable.

18 avril 2018

Marie Sizun : "La gouvernante suédoise"

Marie SIZUN : "La gouvernante suédoise"

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Cela faisait des années que je n'avais lu Marie Sizun dont la prose jadis m'enchantât (Le père de la petite, Jeux croisés, La femme de l'allemand ...). Et bien la retrouvaille fut convaincante.

A partir de bribes de récits familiaux, de généalogie, de photos, de noms gravés sur une tombe, l'auteure, brode, tisse une toile, bouche des vides et fait revivre cette branche "de Meudon", cette famille de Léonard Sézeneau, exilé en Suéde alors qu'il était jeune.

La famille de Léonard, c'est sa femme Hulda, ses enfants et la gouvernante Livia. On voit peu à peu le groupe prendre forme, Léonard jeune homme lettré qui séduit la fille de bonne famille, l'amour grandissant, les enfants qui naissent et une gouvernante est alors embauchée.

L'équilibre semble trouvé entre un père de famille converti dans les affaires, Hulda restée encore une enfant bien que mère et Livia qui prend discrètement en main la maîtrise de la maison. Ce triangle semble en équilibre parfait dans cette maison bourgeoise de Stockholm. Mais le revers de fortune de Léonard et l'installation à Meudon va sonner le glas de ce bonheur.

Sans tomber jamais dans la facilité du trio amoureux, ni des amours ancillaires classiques, l'auteure nous fait partager toutes les ambiguïtés des sentiments, des attirances, de l'attachement, du jeu de pouvoir des uns sur les autres. A travers le quotidien des deux femmes, des deux amies qu'elles deviennent peu à peu à la faveur des très nombreux déplacements du maître de maison, c'est aussi toute une société bourgeoise de la fin du XIXème siècle qui est dépeinte. Toute une ambiance, une atmosphère, magistralement servie par l'élégance du style, par une exigence, par une fausse simplicité d'écriture qui donne à ce texte triste voire douloureux un éclat d'une particulière beauté.

 

1 juillet 2018

Joël Dicker : "La disparition de Stépanie Mailer"

Joël Dicker : "La disparition de Stéphanie Mailer"

 

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A Orphea, dans les Hamptons, Etat de New-York, il y a chaque été un festival de théâtre. Le premier eût lieu en 1994. Le jour de la première, au moment de l'ouveture officielle, un quadruple meurtre est commis non loin de là ... Vingt-ans plus tard, l'enquête est de nouveau ouverte suite à la disparition de Stéphanie Mailer qui apparemment avait trouvé des éléments permettant de remettre en cause les conclusions de l'époque. Oui mais quoi ?

Et du théâtre il y en a dans ce polar. Bien sûr par le festival en lui-même, fil conducteur du roman, mais aussi par tous les personnages dont les rôles ne sont pas aussi clairs qu'il y paraît. On navigue dans les décennies, dans les souvenirs, dans les éléments factuels qui prennent une toute autre dimension à l'aune d'un nouvel éclairage.

L'auteur nous trimballe, multipliant les personnages, naviguant dans la chronologie, révélant  des faits qui finalement embrouilleront les pistes. C'est maîtrisé. Le style permet une lecture fluide, même si elle est parfois un peu longue.

Mais c'est vraiment dans les personnages et leurs liens que réside l'intérêt de cette lecture. Des liens qui se tissent,des liens qui les unissent parfois secrètement et qui se dévoilent. Des  personnages qui cachent quelque chose, un ressentiment, une frustration, un désir de gloire et qui cherchent une vengeance, une reconnaissance, la lumière ... Cette disparition va leur permettre à tous de se révéler et d'apporter la lumière sur cette bien triste affaire de juillet 1994.

 

 

4 juillet 2018

Robert Louis Stevenson : "L'étrange cas du dr Jekyll et de Mr Hyde"

Robert Louis STEVENSON : "L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde"

Jekyll et Hyde

Jekyll et Hyde c'est un mythe. Publié en 1886, il met en avant la fracture qui existe en chacun nous entre le côté clair (la raison, le bien) et le côté sombre (la passion, le mal). C'est un tiraillement permanent, et une face finit par prendre le dessus sur l'autre.

Mais ce n'est pas aussi clair que cela et nous suivons, dans ce court roman, le notaire Utterson, ami du Dr Jekyll qui lors d'une promenade avec Mr Einfield, se fait raconter l'histoire d'un homme de petite taille, moche et méchant, qui massacre une fillette qu'il vient de croiser sur sa route. Interpellé par les passants, dont la famille de la fillette, l'homme en question entre dans une étrange maison du voisinage et en ressort avec un chèque de dédommagement. Un chèque dont le tireur n'est autre que Dr Jekyll. Bien étrange tout ça ... La curiosité de notre notaire est aiguisée.

Stevenson prend soin de bien situer l'histoire. Nous sommes à Londres, en hiver, dans le XIXème siècle victorien et l'ambiance particulière de la ville, de la saison et de la société est parfaitement restituée. Le récit est bien mené, et si on le lit sans chercher à convoquer les connaissances que l'on a déjà sur ce roman archi adapté ou réécrit, on se laisse entraîner, avec Utterson dans cette enquête aux faits troublants, voire irrationnels.

Une pièce majeure qui mêle à souhait, suspens, crime, médecine, psychologie et pharmacopée.

9 juillet 2018

Cécile Coulon : "Le roi n'a pas sommeil"

Cécile COULON : "Le roi n'a pas sommeil"

 

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Il y a de la nouvelle américaine dans ce court roman. D'abord sans jamais le dire explicitement, l'action se situe dans une petite ville américaine où l'on y retrouve les références, les noms, les grands espaces et les symboles. Et puis il y a l'ambiance. Et surtout il y a les personnages.

C'est sombre à souhait, c'est rempli de silences, de non-dits. C'est fait d'une vie de sueur et de larmes sans jamais ployer dans le misérabilisme.

C'est Thomas Hogan, l'homme qui se cherche entre son père William et sa mère Mary. Cet enfant doué et sportif que le destin va conduire en dehors du chemin tout tracé qui se profile devant lui. Dès le début le ton est donné, le roman commence par son arrestation par la police.

Et alors, au fil d'une écriture fine et évocatrice, le lecteur est emmené dans les méandres tortueux de son esprit. A travers les relations entre les personnages se dessine cet environnement, qui fait une place particulière à la filiation, ce poids social, celui qui ne dort jamais, comme la conscience du criminel.

 

17 décembre 2014

Ransom Riggs : "Miss Peregrine et les enfants particuliers"

Ransom RIGGS : "Miss Peregrine et les enfants particuliers"

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Voila un univers étrange et fascinant à la fois. En Floride, Abe, le grand-père, raconte des histoires à Jacob, son petit-fils. Ces histoires extraordinaires et incroyables, qui relèvent plus d'un délire de vieux sénile que d'un conteur, lassent le jeune homme. Et pourtant, témoin de la mort atroce de son grand-père, Jacob comprend qu'Abe essayait de lui révéler une vérité au-delà des apparences.

La vérité de son grand-père se trouve sur une île du Pays de Galles, où il s'est réfugié en 1940, fuyant la Pologne sous occupation nazie. Dans cette île se trouve une maison pour enfants orphelins sous la bonne garde de Miss Peregrine.

A partir de quelques photos et d'une lettre découverts dans les affaires de son grand-père, Jacob part à l'aventure, à la recherche du passé .

Transporté dans un imaginaire fantastique, le lecteur est alors captivé par les découvertes successives du jeune Jacob. Malgré une certaine lenteur à se mettre en place, l'intrigue se noue peu à peu. On fait la connaissance de personnages biens "particuliers" et les photos qui agrémentent le texte confèrent une dimension réaliste au récit. Bravo pour la trouvaille.

Contrairement à ce qui est indiqué en quatrième de couverture "Une histoire merveilleusement étrange, émouvante et palpitante. Un roman fantastique qui fait réfléchir sur le nazisme, la persécution des juifs, l'enfermement et l'immortalité", ce roman ne fait pas réfléchir sur le nazisme et la persécution des juifs même de façon parabolique. En revanche, si le contexte est bien en lien avec des évènements historiques liés à la seconde guerre mondiale, il s'agit bien d'un roman d'aventure avec ses angoisses, ses batailles, ses rebondissements, ses émotions et ses sentiments, où le thème du temps est largement exploité, soit à travers sa transmission (le lien inter-générationnel) soit à travers sa relativité :le temps est il le même pour tous ? 

Finalement, je ressors de cette lecture avec un sentiment mitigé, probablement dû au décalage avec la cible visée par l'auteur.

 

 

 

 

 

27 décembre 2014

Gisèle Pineau "Cent vies et des poussières"

Gisèle PINEAU : "Cent vies et des poussières"

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Un livre de femmes, un livre de maternité. En voilà des portraits ! Des femmes de toutes générations dans ce ghetto de Guadeloupe où il est plus facile d'entrer que de sortir. Des femmes blessées, dans leur âme profonde. Des femmes meurtries dans leur désir profond.

Et surtout Gina, celle qui ne vit que pour porter des enfants, celle que la grossesse rend heureuse, et qui porte là son huitième enfant. Elle que la grossesse rend vivante alors que la mort emporte les autres autour d'elle, comme sa soeur Vivi par exemple.

Et sa mère Izora, devenue impotente mais qui se souvient des histoires pas si anciennes du temps de l'esclavage.

Et Sharon, dans tout ça ?  Qui, à douze ans, prend conscience de la fragilité de sa mère,  celle qui aime la grossesse mais n'aime pas les enfants, celle qui abandonne ses deux ainés à leur triste sort de voyous et de droguée ... Quelle souffrance !

Gisèle Pineau nous brosse un univers sombre et lumineux à la fois, où se côtoient la misère et la joie. Un univers où sont mises en lumières ces femmes qui assument, avec plus ou moins de réussite, la responsabilité d'élever une famille mono-parentale. Ces femmes qui vivent des allocations et qui combattent au quotidien dans la violence de l'environnement immédiat et dans la pauvreté culturelle dispensée à longueur de journée par des séries télévisées. A ce titre, le regard de Sharon émeut le lecteur.

Gisèle Pineau est une romancière talentueuse pour décrire un tel contexte, une Guadeloupe sans plage  ni palmiers, avec un regard distancié et précis.

 

5 septembre 2018

Cécile Coulon : "Trois saisons d'orage"

Cécile COULON : "Trois saisons d'orage"

Trois saisons d'orage

Les saisons d'orage sont annonciatrices de drame. Ici le drame s'étend sur trois générations, c'est dire s'il est profond. Et pourtant ...

Ça commence comme du Giono, la vie du village à travers celle de son médecin de campagne qui arrive de la ville. L'essor du village est fulgurant, dû à l'acharnement de quelques entrepreneurs dans l'exploitation de carrières de pierre blanche. Un village reculé pourtant, où les gens ne viennent pas s'installer. La communauté villageoise vit dans un entre-soi que la venue du médecin va perturber, bien malgré lui.

Existe t-il une force, telle celle de l'orage, capable de ravager un équilibre qui semble inébranlable ?

Le développement de l'activité va engendrer de nouveaux besoins, de nouveaux habitants vont s'installer, les promoteurs immobiliers vont lorgner sur cet espace au décor époustouflant ... la génération suivante va t-elle savoir préserver l'esprit du village ? Et cet esprit est-il compatible avec l'amour qui peut attirer deux êtres différents, l'un de la ville, l'autre du village ?  La troisième génération va-t-elle unifier tous les contraires, toutes les aspirations ? L'orage sera t-il à la fin le plus fort ?

Avec son écriture qui donne du corps aux personnages, aux lieux et aux situations, Cécile Coulon nous transporte dans une atmosphère intemporelle et universelle, dans un roman multiple où les les petits faits peuvent avoir des conséquences décuplées par la relative réclusion des protagonistes.

 

5 janvier 2015

Tour d'horizon de 2014

2014 : une année riche en belles découvertes et de bons moments de lectures 

 

33 livres lus cette année.

Essentiellement de la littérature française plutôt contemporaine (Maylis de Kérangal, Lola Lafon, Pierre Lemaître, Valentine Goby, Amélie Nothomb, Kamel Daoud, Eric Vuillard, Anne Plantagenêt) mais aussi un peu plus ancienne (Annie Ernaux, Scholastique Mukasonga, Jean Echenoz, Gisèle Pineau) voire des classiques du siècle précédant (Jean Giono, Antoine Blondin).

Des petits détours du côté des Etats-Unis (William Styron, Dennis Lehane, Woodie Guthrie).

Le classique de l'été (XIXème siècle) consacré à Mark Twain "Les aventures de Hucklebery Finn".

Et puis des lectures "exotiques", notamment en Chine avec Mo Yan ("Beaux seins, belles fesses"),  en Argentine avec Selva Almada ("Après l'orage"), en Islande avec Hannah Kent ("A la grâce des hommes") ou en Israël avec Shani Bojianjiu ("Nous faisions semblant d'être quelqu'un d'autre").

Bien sûr quelques lectures ont un peu déçu, c'est le cas d'Hervé Bougel ou Sophie Brocas.

Cette année deux incursions dans des univers différents : le sport avec David Alban ("Histoire du rugby au Pays-Basque") et Widy Grégo ("Ma vie en diagonale") et la littérature jeunesse avec Teri Terry, Ruta Sepetys, Béatrice Egémar et Ransom Riggs.

2014

 

20 janvier 2015

Thomas Pynchon : "Fonds perdus"

Thomas PYNCHON "Fonds perdus"

fonds-perdus-pynchon

Thomas Pynchon est considéré comme un écrivain majeur de la littérature US de la deuxième moitié du XXème siècle. Mais ce roman là, n'est certainement pas significatif.

New-York printemps 2001, Maxine Tarnow, ex-inspectrice des fraudes sans licence (sorte d'expert-comptable), se retrouve à enquêter sur une société informatique qui a étrangement survécu à l'éclatement de la bulle Internet. Pour découvrir comment et pourquoi des flux occultes d'argent circulent à partir et vers cette société, elle va devoir plonger dans le Web profond.

Lecteurs paranoïaques vous allez vous régaler !

L'enquête nous mène, à travers une galerie de personnages farfelus et complètement déjantés, dans le grand complot. Comme si un lien évident existait entre l'achat de kilomètres de fibres optiques et l'attentat du 11 septembre. Toute une toile qui se tisse autour de cette fameuse société et le pouvoir se joue au fin fond du Web, dans cet espace médian, ni blanc ni noir ni gris, où le réel et le virtuel se côtoient et se mélangent.

Non sans humour et truculence, l'auteur décortique aussi New-York, son paysage, sa population, son rythme, sa pulsation.

Mais le récit n'est pas fluide. Le style, recherché certes, accroche. La lecture est difficile, hachée, voire fastidieuse par moments. C'est dommage, car la matière est là.

Il faudra que je tente autre chose de Pynchon, pour me forger une opinion. Peut-être "L'arc en ciel de la gravité".

 

25 mai 2013

Marie Sizun : "Un léger déplacement"

Marie SIZUN : "Un léger déplacement"

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Un retour vers le passé qui bouleverse l'avenir. 

Ellen, une française exilée à New-York, se retrouve pour quelques jours à Paris, dans l'appartement de son enfance et de sa jeunesse. Suite au décès de sa belle-mère, elle doit vendre cet appartement dont elle vient d'hériter. Quittant son mari, Norman, et leur librairie pour quelques jours, la voici sur les traces de son passé, de ses souvenirs, du temps où elle s'appelait Hélène. 

Ce voyage dans le passé, cette histoire qui se reconstitue peu à peu, ces morceaux qui se recollent seront-ils de nature à compromettre le présent et surtout à modifier l'avenir ?

Avec finesse et subtilité, Marie Sizun nous conduit dans les méandres de cette enfance et de cette jeunesse, entre un père taciturne, une belle-mère vulgaire, un demi frère caché, une voisine isolée, un premier amour impossible, comme autant de fantômes qui errent dans ces lieux redécouverts, dans cet appartement, dans ce quartier, dans cette vie. Vingt-deux ans ont passé et Ellen regarde dans le miroir avec un léger déplacement de l'angle de sa focale.

Écrit avec beaucoup de sensibilité et de justesse ce roman peut toutefois laisser une certaine frustration, un léger ennui à l'évocation parfois monotone de ces souvenirs. Mais la qualité d'écriture en fait tout de même un bon moment de lecture. 

Pour qui voudrait découvrir Marie Sizun, il vaut mieux s'orienter vers "Le père de la petite" ou "La femme de l'allemand" voire "Jeux croisés" qui permettent de mieux appréhender son talent. 

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13 janvier 2017

Jim Fergus : "La vengeance des mères"

Jim FERGUS : "La vengeance des mères"

 

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Et nous revoilà plonger dans l'Ouest, où nous avions laissé les "mille femmes blanches".

Du point de vue éditorial les deux romans ont une bonne quinzaine d'année de décalage, aussi, qui l'aurait lu à l'époque aurait besoin d'un rafraîchissement avant la lecture du deuxième tome. Toutefois il est à tout à fait possible de considérer ce volume indépendamment du premier.

La forme est identique, il s'agit de carnets, mais ici les auteures sont plurielles. Les récits se croisent, les points de vue alternent, les mêmes faits s'éclairent différemment. Et quels faits ! Cette petite troupe de femmes, un reliquat oublié du programme avorté d'échange de femmes blanches contre des chevaux, va intégrer la tribu Cheyenne au pire moment de son existence. Autant avec May Dodd on a pu s'imprégner de la vie communautaire de la tribu, autant ici il s'agit plus de survivre, de fuir une menace omniprésente, d'angoisses. Et pourtant l'espoir irrigue tout le roman.

L'espoir qui s'incarne par l'arrivée de ces femmes prêtes à donner des enfants aux hommes de la tribu. L'espoir qui s'incarne par la vengeance terrible que subira l'armée américaine, comme un ouragan qui s'abattra sur elle sous la forme d'une horde de femmes préparées au combat, déterminées, invincibles, portées par l'esprit de leurs bébés assassinés. L'espoir que le bien de la vie ancestrale ne peut que vaincre le mal incarné par l'esprit de conquête et de massacres des blancs.

On l'aura donc compris, c'est moins bucolique et plus guerrier, plus brutal. On aborde là des sentiments primaires : la survie, la vengeance, la haine.

C'est vif, c'est fort, et on tremble. Mais on est heureux aussi, on partage des bons moments ensemble, des moments de partage, d'échanges, comme autour des danses le soir près du feu.

Une lecture tout aussi captivante que le premier tome.

 

 

 

 

 

 

 

 

1 septembre 2015

Maragret Mazzantini "La mer, le matin"

Margaret MAZZANTINI "La mer, le matin"

 

matin

La mer, ici la Méditerranée, est un espace central, un trait d'union. Entre l'Italie et la Libye c'est une histoire commune, avec ses allers et ses retours. Cette mer nourricière qui irrigue les racines des peuples sur chacune des deux rives.

Nous voici bercés sur une frêle embarcation pleine d'africains qui fuient la guerre, la peur et la famine, pour l'Europe salvatrice. Nous voici transportés dans l'enthousiasme de ses paysans italiens venus cultiver cette terre aride aux abords de Tripoli. Nous voici aussi dans l'espérance d'un monde meilleur pour ces arabes du désert que la révolution du colonel alimentera. De la colonisation impulsée par les fascistes au printemps arabe en passant par le coup d'Etat de 1969, c'est l'histoire de la relation italo-libyenne qui trame ce court roman.

C'est donc bien dans cette histoire chaotique et emmêlée que le destin de ces femmes et enfants prend corps. Des destins déracinés, arrachés. Pour Jamila et Farid ou Angelina et Vito c'est aussi l'espoir ... le monde meilleur est de l'autre côté.

Sans grandes envolées théoriques, l'auteure place le récit du côté de l'intime. Et avec quelle force. On perçoit la grande histoire, la logique implacable des faits à travers les regards, fragmentaires, puérils, mélancoliques et joyeux à la fois.

Un très beau roman sur un pan d'histoire coloniale voisine de la notre.

 

3 juin 2023

Jean-Christophe Rufin : "Le flambeur de la Caspienne"

Jean-Christophe RUFIN : "Le flambeur de la Caspienne"

le flambeur de la caspienne

Et revoilà le consul Aurel Timescu, le flamboyant malgré lui, que l'on avait rencontré à Conakry. Avec ces aventures on découvre des contrées oubliées de la littérature, même policière. Ici, le consul arrive à Bakou, en Azerbaïdjan. Et quelle arrivée ! Quel accueil !

C'est promis par son Ambassadeur et chef du poste diplomatique local, il sera reparti dans moins d'une semaine.

Alors Aurel va chercher à s'occuper, puisqu'on ne lui confie aucune tâche. Et comme la femme de l'ambassadeur est récemment décédée, il cherche à comprendre comment elle a pu perdre la vie dans un stupide accident.

L'auteur, non seulement nous fait visiter la ville et le pays, mais nous plonge dans son environnement géopolitique. A travers la personnalité fantasque et complétement farfelue d'Aurel, et au détour de situations plus rocambolesques les unes que les autres , des indices commencent à poindre. Et mené par son opiniâtreté, l'improbable détective va tirer un fil ... Mais pour arriver au bout, il faudra aussi faire fi du fonctionnement ordinaire d'un poste diplomatique. On n' a rien sans rien.

Intéressant et drôle, sérieux sans se prendre au sérieux, les énigmes du consul Aurel régalent le lecteur.

 

 

 

3 juillet 2023

Jean-Christophe Rufin : "Immortelle randonnée"

Jean-Christophe RUFIN : "Immortelle randonnée - Compostelle malgré moi"

immortelle randonnée

Des centaines, des milliers, des dizaines de milliers parcourent chaque année un chemin de St-Jacques, qui en partant du Puy, qui de Vezelay, qui de St Jean Pied de Port ... et chacun devient le héros d'une histoire à la fois collective et singulière.

Rufin y songe, mais sans vraiment que ce soit bien clair. D'ailleurs sait-on vraiment jamais pourquoi on se lance ?

Parti d'Hendaye, il rejoindra Compostelle par la voie du nord (camino del norte), à travers l'Euskadi, la Cantabrie et les Asturies. Une aventure.

Nous ne sommes pas là dans le registre du journal, celui qui décrirai les étapes avec son lot de petites joies et de petits malheurs, nous sommes là dans le souvenir. L'auteur rédige après coup, plus vraiment à chaud. Et tant mieux, car ce qu'il reste n'est pas que ce qui émerge mais également ce qui se trouve sous la ligne de flottaison.

J'aime les récits des marcheurs solitaires, car la marche développe la pensée. Pas toujours la pensée rationnelle et organisée, mais toujours la pensée. Et ici on n'y coupe pas. Moins spirituel que le pèlerin de Paolo Coelho, le marcheur Rufin se rapproche plus d'un Tesson sur ses chemins noirs. 

L'écriture est vive, la lecture très agréable, aucune fatigue, aucune ampoules aux doigts malgré des pages qu'il faut tourner rapidement. Un très bon moment d'évasion, qui porte un regard lucide sur la "mode" du camino et l'attrait "marketing" de Compostelle.

Le livre fermé, on se pose la question de savoir si vraiment c'est ce chemin qu'il faut suivre pour une aventure à pas lent avec soi-même. Merci Jean-Christophe Rufin.

 

13 septembre 2023

Alain Mabanckou : "Le commerce des allongés"

Alain MABANCKOU : "Le commerce des allongés"

commerce des allongés

Le jeune Liwa vient de mourir. Bien trop jeune pour mourir. Ce ponténégrin (habitant de Pointe Noire au Congo) se retrouve dans son cercueil, au cimetière du Frère-Lachaise. C'est alors que sa vie de mort commence.

Et nous voilà entraîné dans la préparation de la cérémonie funéraire, il se remémore alors sa naissance et la mort de sa mère, sa vie avec sa grand-mère, sa jeunesse, jusqu'au moment fatal. Mais comment se passe la vie d'un mort ? Aidé de quelques morts il est initié à son nouvel état.

Avec lui on entre de plain-pied dans l'effervescence de Pointe-Noire, dans une société fragmentée, parcellée, séparée. Dans un monde où se côtoient  corruption, ambition politique, discrimination sociale, croyances ancestrales et sorcellerie.

C'est un tableau bien gris du Congo que dresse ici Alain Mabanckou, un tableau où les fragments de vie rencontrés se mêlent  et tissent une toile épaisse qui empêche le tout de bouger. Mais en contre-point il y a Liwa, son allure, sa fraîcheur, son innocence ... Liwa qui va revivre les derniers jours de sa vie, jusqu'à sa rencontre Adeline, une fille superbe qui paraît inatteignable pour ce gosse des quartiers pauvres ... et pourtant.

Roman social, roman fantastique, roman d'amour, chronique de la vie locale, ces 300 pages ont de quoi ravir. On se laisse facilement emporter par les esprits et c'est tant mieux !

 

7 novembre 2018

François Vallejo : "Hôtel Waldheim"

François VALLEJO : "Hôtel Waldheim"

 

Hotel-Waldheim

A la recherche du temps perdu à Davos sur fond de guerre froide. Comment la mémoire et les souvenirs personnels reviennent et revêtent une nouvelle dimension plus de quarante ans après les faits. Pauvre Jeff qui, en vacances avec sa tante à l'hôtel Waldheim à Davos, va se retrouver, sans s'en rendre compte, au centre d'une intrigue liée à la disparition d'un homme. Un homme qui a fuit l'Allemagne de l'Est et qui est un rouage essentiel dans la fuite d'intellectuels de l'est vers l'ouest.

Cet épisode de vacances adolescentes avait complètement disparu de la surface des souvenirs de Jeff devenu quinquagénaire. Mais disparus ne veut pas dire complètement éteints. Malgré lui, harcelé par la pugnacité de la fille du disparu, des éléments reviennent. Au mois d'Août 1976 à Davos, entre parties d'échecs et de jeu de go, lecture de Thomas Mann et excursion en montagne, on croise des personnages, des vacanciers et le propriétaire de l'hôtel. Tout est affaire de mémoire.

Comment fabrique t-on nos souvenirs ? Doit-on s'en méfier ?

Entre espionnage et introspection, le roman nous entraîne dans une époque, un moment de l'histoire de l'Europe. C'est parfois un peu lourd, embrouillé, comme peuvent l'être les fragments de vie qui remontent à la surface. La lecture peut apparaître fastidieuse, mais le récit est fort habilement agrémenté d'incursions directes de la pensée dans le propos qui rendent le tout somme toute agréable. Peut-être que les connaisseurs de Thomas Mann (La montagne magique), les joueurs d'échecs ou de jeu de go s'y retrouveront plus facilement.

 

15 février 2024

Marin Ledun : "Free queens"

Marin LEDUN : "Free Queens"

Free Queens Ledun

Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour vendre de la bière au Nigéria ? Quel est le lien entre ce grand brasseur et les deux jeunes filles trouvées mortes, nues, le long de la route ? Et ces deux cadavres ont-ils un rapport avec le témoignage, à Paris, de cette jeune prostituée qui a traversé la moitié du continent et de la mer pour espérer trouver liberté et avenir en Europe ?

A travers un polar choral, brulant de soleil à l'extérieur mais affreusement noir à l'intérieur, l'auteur nous livre une photographie de ce pays contrasté, de cette société multiple et des aspirations et exaspérations de chacun.

C'est vivant, bien documenté, écrit avec talent et le lecteur est happé par l'atmosphère. Et pourtant le fond est terrible. Tout comme la bière, les corps humains (des femmes) ne sont que des marchandises. Jouant de l'espoir d'un pays qui cherche à offrir un avenir à sa jeunesse, les hommes maintiennent une emprise totale sur toute velléité d'émancipation. Mais jusqu'à quand ? Qui fera craquer la maille du filet ?

Chacun à son petit niveau : journaliste, policier déclassé, organisations féministes ... tous ceux qui placent la foi en l'âme humaine au dessus de leur petit intérêt personnel.

Bravo à Marin Ledun pour ce roman noir, si réaliste qu'il nous donne des sueurs.

 

 

13 février 2022

Thomas B. Reverdy : "L'hiver du mécontentement"

Thomas B. REVERDY "L'hiver du mécontentement"

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Thomas B. Reverdy aime nous conduire dans les endroits sombres et dans les moments charnières du basculement d'une société. Après Détroit en 2008, nous voici à Londres l'hiver 1979.

Fin d'une époque, fin des espérances, no future partout, l'horizon qui s’assombrit, les grèves, le chômage, le désouevrement et la profonde mutation de la culture en général, et du rock en particulier.

Dans cette société, que Jonathan Coe avait déjà disséqué, l'auteur nous livre une vie, celle de Candice, 20 ans à ce moment-là. Une vie de survie en univers hostile.

Entre théâtre classique, clubs de jazz nocturnes désuets, petits boulots de coursiers dans le froid et la brume et monde politique en plein renouvellement, on voit naître une société nouvelle. Une société que va caractériser l'image d'une seule femme : Margaret Thatcher.

Richard III de Shakespeare sera le prétexte, l'angle, la focale de ce court roman, qui cherche à démonter, pour nous les faire voir, tous les mécanismes de cette charnière. Teintée de rock (The clash, Joy division, the Jam, Public Image Limited, The Cure ... ) cette charnière ouvre une fenêtre sur une société contrastée loin des idéaux de justice et de solidarité de la décennie finissante, qui s'évanouiront avec le massacre de la grève des mineurs.

Un excellent roman, à la fois profond et rythmé.

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